Pour ou contre la densification du milieu bâti en Suisse ?
Panorama des avantages et inconvénients pour les propriétaires fonciers suisses

La densification urbaine constitue un principe important de l’aménagement du territoire en Suisse. Si vous êtes propriétaire foncier, il est primordial de comprendre les impacts potentiels du développement vers l’intérieur sur votre bien-fonds et votre environnement. Cet article présente de manière succincte les avantages et inconvénients de la densification pour les propriétaires fonciers en Suisse. Ne manquez pas cette occasion de mieux comprendre comment cette stratégie de développement peut affecter votre bien-fonds et votre vie.

Suisse

Densification

Temps de lecture : 10mn

Créé le 1 juillet 2023

Construction site with mountain

Vue partielle du projet Cour de Gare à Sion, symbole de densification au cœur de la ville (© Monbienfonds.ch, mars 2023).

La densification est un principe profondément ancré dans l’aménagement du territoire en Suisse, tels qu’en témoignent les buts « d’orienter le développement de l’urbanisation vers l’intérieur du milieu bâti » et « de créer un milieu bâti compact » inscrits dans la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (art. 1 al. 2 let. a bis et b LAT, RS 700). Elle consiste à utiliser les réserves en zone à bâtir ou à mobiliser les possibilités actuellement non ou sous-utilisées. Cette pratique présente des avantages pour les collectivités publiques. La densification permet de répondre en partie à la demande de logements en Suisse et de lutter contre la pénurie de logements dans les grandes villes et agglomérations. Les collectivités peuvent bénéficier d'une augmentation des entrées fiscales grâce aux nouveaux résidents, mais également limiter l’étalement urbain et ainsi lutter effacement contre le gaspillage des ressources naturelles et environnementales comme le sol, la nature, les surfaces agricoles ou le paysage. En limitant l’expansion urbaine, les infrastructures et équipements existants sont utilisés de manière plus efficiente, permettant des économies considérables pour les finances publiques.

Bien qu’il soit indéniable que la densification du milieu bâti apporte des nombreux bénéfices pour l’intérêt public, qu’en est-il des intérêts privés ? Quels sont les principaux avantages et inconvénients de cette stratégie pour les propriétaires de bien(s)-fonds en Suisse ?

Une opportunité de plus-value pour les propriétaires fonciers via l'élargissement des possibilités d'utilisation

La densification se matérialise par un changement des possibilités d’utilisation des biens-fonds et notamment par une modification de leur affectation ou du degré d’utilisation de ces derniers. Il s’agit par exemple d’une modification de l’affectation d’une zone moyenne densité à forte densité, de l’accroissement de l’indice brute d’utilisation du sol (IBUS) ou encore de changement dans les limitations des hauteurs des constructions pour certaines zones. Il est ainsi possible de faire plus sur une même surface en maximisant le potentiel, avec pour corollaire une amélioration du rendement des biens. La construction d’une seconde maison ou annexe suite à une augmentation de l’IBUS de la zone par une commune constitue un exemple concret permettant à son propriétaire d’engranger notamment des revenus locatifs supplémentaires. Compte tenu de la démultiplication des possibilités d’utilisation, la valeur de revente des biens-fonds concernés par une densification augmente de manière significative pour les propriétaires souhaitant vendre, et ce d’autant plus dans les régions à forte demande et pour les terrains possédant les meilleurs emplacements.

Une amélioration globale des services et de la qualité de vie

La densification, notamment dans le cadre d’une réflexion globale et raisonnée, s’accompagne généralement d’une amélioration et rapprochement des services de proximité (commerces, écoles, centres d’intérêts, etc.) et un renforcement des transports publics (fréquence et desserte). Ces commodités constituent souvent des critères de choix importants pour les acquéreurs et les locataires. Elles constituent des améliorations sensibles d’un quartier, se traduisant par une meilleure qualité de vie des résidents, et peuvent contribuer à l’accroissement de la valeur de revente des biens, respectivement des rendements des objets locatifs.

La densification du milieu bâti est donc source de plus-value pour les propriétaires de bien-fonds, notamment ceux qui souhaitent utiliser pleinement les nouveaux potentiels qui leur sont offerts et construire. Cependant, il est important de tenir compte des éventuels inconvénients pouvant affecter lesdits propriétaires lors d’un développement vers l’intérieur du milieu bâti.

Une pression sur les équipements et infrastructures existants

La densification peut provoquer une surcharge des infrastructures et équipements existants (routes, égouts et réseaux d'eau et d'électricité) et des services publics (transports en commun, écoles, installations sportives, parcs et jardins). Ces pressions croissantes nécessitent des adaptations et améliorations continuelles des équipements et services, pesant ainsi sur les finances des collectivités publiques. Ces dépenses supplémentaires peuvent même, à long terme, contrebalancer les économies réalisées grâce à la densification présentées auparavant. Cela peut également entraîner des coûts additionnels pour les propriétaires de biens-fonds, notamment s'ils doivent participer aux financements des équipements et à leur renouvellement.

Une détérioration possible de la qualité de vie

La densification peut avoir un impact négatif sur la qualité de vie des résidents et propriétaires de biens-fonds dans les zones densifiées. Elle peut causer une augmentation des nuisances et de la pollution, comme le bruit ou la pollution de l'air, en raison par exemple de l'augmentation de la circulation routière, et ce, notamment en l’absence d’une politique efficace de report modal vers les mobilités douces. Des répercussions sur la santé des habitants peuvent également être constatées. Cette érosion progressive de la qualité de vie est souvent problématique pour les propriétaires de biens-fonds, notamment ceux cherchant à maintenir un environnement calme et paisible, ou tout simplement à préserver leur intimité et sphère privée. Les aménités naturelles comme une vue sur le lac ou les montagnes, un bel ensoleillement ou une absence de vis-à-vis, constituent des atouts indéniables pour certaines propriétés et participent pleinement à la qualité de vie de leurs résidents. Lorsque la densification se traduit par des constructions en hauteur (surélèvement, bâtiments à la volumétrie importante) et/ou plus rapprochées, leur possible perte entraîne une baisse de leur valeur de revente mais s’accompagne surtout par d’immenses déceptions et désillusions pour les propriétaires occupant ces biens.

La mutation progressive des quartiers villas en zone d’immeuble représente à ce sujet un cas emblématique. Un propriétaire d’une belle bâtisse dans une zone villas en Valais possède un grand jardin ensoleillé bien entretenu et apprécie particulièrement profiter de cet espace vert pour se détendre et passer du temps en famille. Cependant, suite à la décision de la commune de densifier son quartier, son voisin, au sud de sa demeure, décide de démolir sa maison et d’y construire un immeuble de quelques étages. Chose qu’il n’avait jamais imaginé auparavant, le propriétaire se retrouve avec un nouvel immeuble de dimension conséquente en face de sa demeure et un nouveau vis-à-vis. Ainsi, certains propriétaires souhaiteraient simplement maintenir l’état actuel du territoire, et éviter toute densification ou mutation urbaine.

Une diminution possible des aménités en l’absence de réflexions urbanistiques

La densification du milieu bâti peut également entraîner des problèmes de surpopulation, de manque d’espace et de détérioration de la qualité urbanistique. Lorsque le milieu bâti est trop compact, il peut être difficile de préserver ou créer des espaces verts, et d’offrir ainsi suffisamment de lieux récréatifs pour les loisirs et les activités de plein air. Cet aspect peut être problématique pour les propriétaires de biens-fonds qui apprécient l’espace et la nature, mais également pour la valeur de leur bien en raison de la dégradation progressive du quartier et la disparition de ses aménités. Une densification urbaine sans réflexion urbanistique et architecturale globale, notamment sur l’aménagement des zones libres de constructions, induit fréquemment un environnement bâti de faible qualité et une disparition graduelle des surfaces libres possédant des valeurs intrinsèques et fonctionnelles importantes (places de jeux, parcs et jardins, surface verte). Ces détériorations ont des conséquences certaines sur les prix immobiliers des biens-fonds d’un quartier.

Une complexification du marché immobilier et des prix

En analysant de manière simplifiée le principe de l’offre et de la demande, il serait possible que le développement vers l’intérieur induise un accroissement du nombre de biens immobiliers neufs disponibles sur le marché, ce qui pourrait avoir pour conséquences une réduction de la valeur des propriétés, notamment celles plus anciennes (difficultés pour vendre), ou une augmentation du taux de vacance des objets locatifs et de leur rentabilité (difficultés pour louer). Cependant, ces effets sont généralement complexes et contrecarrés par une demande accrue et une offre limitée en logements dans les zones densément urbanisées, ainsi que parfois, par une forte spéculation immobilière. Le développement vers l’intérieur ne suffirait pas toujours à répondre aux fortes demandes dans certains territoires, ni à diminuer ou maintenir les loyers ou les prix de l’immobilier. Cependant, il est nécessaire de garder à l’esprit qu’il s’agit d’une vision simpliste du territoire et que les mécanismes de formation des prix de l’immobilier sont complexes et dépendent de nombreux facteurs dépassant le cadre du présent article. Il est toutefois évident que la densification participe à cette complexification et influence fortement la valeur des biens-fonds concernés, ce qui peut être considéré comme un avantage ou inconvénient par certains propriétaires. Elle exacerbe également la concurrence entre les biens neufs et anciens.

Une complexification de la réalisation des projets de construction

Il est courant que des projets de densification rencontrent une vive opposition de la part de voisins ou de communautés locales, notamment lorsque l'acceptation sociale desdits projets est faible. Ces procédures entraînent notamment des blocages prolongés et des coûts supplémentaires imprévus. Lorsqu'ils construisent dans des zones densifiées, les propriétaires fonciers devront donc être préparés à affronter de nombreux obstacles et une opposition plus forte de la part de tiers. Il est donc primordial de prévoir davantage de ressources et de temps pour mener à bien des projets de densification.

Il convient également de signaler que les coûts de construction des terrains dans les secteurs centraux peuvent être plus élevés en raison de la hausse des prix de ces derniers.

Un prélèvement de la plus-value lors de certaines mesures d’aménagement

L’augmentation des possibilités d’utilisation d’un bien-fonds ou la modification de son affectation constituent des mesures d’aménagement du territoire qui accroit la valeur d’un bien-fonds. Les avantages résultant desdites mesures sont, selon les cantons, compensés par le prélèvement d’une taxe d’au moins 20% (prélèvement de la plus-value), lors de la construction ou de l’aliénation du bien-fonds en question.

La fin des maisons individuelles ?

Bien que la densification s’accompagne d’une augmentation du potentiel d’utilisation d’un bien-fonds, elle engendre également des mutations importantes de certains quartiers et donc une disparition ou transformation progressive de certains types d’habitat, notamment des maisons individuelles. La densification du territoire tend à remplacer graduellement les zones villas par des zones plus denses (zone moyenne densité), où les constructions sont représentées généralement par des maisons jumelées/mitoyennes ou des immeubles de 2 à 3 étages. Les surfaces de terrain par maison devraient également diminuer sous l’effet de la densification « douce », compactant les interstices disponibles dans ces zones et limitant les options de construction.

Ainsi des propriétaires actuels de terrains en zone villas pourraient être contraints, dans les décennies à venir, de construire éventuellement un autre type d’habitat que celui qu’ils souhaitent initialement, mettant fin au mythe de la maison individuelle.

Une obligation de construire à moyen terme ?

Finalement, il est attendu des autorités publiques que les terrains situés dans les réserves des zones à bâtir soient mobilisés à l’horizon de planification, c’est-à-dire dans les 15 ans suivant leur mise en zone dans un plan d’affectation. La thésaurisation des terrains constructibles par leurs propriétaires, c’est-à-dire leur maintien en réserve pour des motifs variés, constitue un problème récurrent pour les autorités publiques. Car en théorie, une extension de la zone à bâtir n’est possible entre autres que lorsque les réserves sont utilisées de manière conséquente. La thésaurisation représente un frein au développement de territoire et à la densification. Les autorités publiques pourraient ainsi prendre des mesures, voire des sanctions, pour obtenir des propriétaires la construction de leurs terrains dans ledit horizon de temps. Le principe de densification, et donc la mobilisation des réserves, représente une menace pour les propriétaires fonciers qui souhaiteraient thésauriser leurs biens-fonds, par exemple pour leurs descendants. Ils peuvent ainsi être confrontés à la possibilité de devoir construire sur leur terrain à moyen terme, ce qui peut être perçu comme une contrainte très forte pour certains d'entre eux, voir une restriction de leur liberté.

Ainsi, seuls les propriétaires réellement informés peuvent défendre judicieusement leurs intérêts

Pour conclure, il apparaît que la densification du milieu bâti peut présenter à la fois des avantages et des inconvénients pour la collectivité et pour les propriétaires de bien-fonds en Suisse. Si elle peut augmenter la valeur de leur propriété en offrant de nouvelles perspectives d’utilisation, elle peut également entraîner des nuisances pour les résidents, des prélèvements, des contraintes ou des menaces pour certains propriétaires fonciers, notamment ceux ne souhaitant pas construire dans l’horizon temporel actuel des plans d’affectation.

Il convient donc de bien cerner les enjeux de la densification du milieu bâti et de s’informer adéquatement sur les différentes lois et réglementations en vigueur. Il est crucial pour les propriétaires fonciers de rester en permanence informés des évolutions réglementaires (déclaration de zones réservées, révision ou modification partielle des plans d’affectation des zones et/ou du règlement des constructions et des zones (RCCZ), etc.) et des projets en cours de développement près de leurs biens-fonds, afin de notamment prendre des décisions éclairées et de minimiser les risques et les mauvaises surprises.

En tant que propriétaire d'un ou plusieurs biens-fonds situés dans le Valais romand, vous pouvez facilement rester informé de ces évolutions afin de défendre au mieux vos intérêts en souscrivant à l'un de nos abonnements. Ne manquez pas cette opportunité de vous assurer une meilleure protection de vos intérêts et de votre/vos bien(s).

Par Monbienfonds

Commentaires

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Karim Trabelsi

8 juil. 2023 19:51

Merci pour cet éclairage.

Karim Trabelsi - Edidact SA

Monbienfonds.ch

9 juil. 2023 18:21

Nous sommes enchantés que l’article vous ait plu et que vous ayez choisi de vous abonner. Merci.

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